Témoignages
Une conception optimiste du pouvoir
J'ai appris avec tristesse le décès de Michel Crozier. Comme tant d'autres qui ont eu la chance d'étudier avec lui, je ne saurais exprimer tout ce que je lui dois.
Je dirai simplement ceci : il m'a enseigné une conception optimiste du pouvoir. La voici en mes mots:

Le pouvoir est une relation propre à l'espèce humaine. Elle vient du fait que généralement, les sociétés humaines sont très peu programmées et laissent plutôt une grande marge de manoeuvre, ou mieux, une aire de liberté à leurs membres. On peut contraindre cette marge mais on ne peut jamais l'anéantir. Chacun est laissé dans l'incertitude du comportement des autres, d'où la nécessité d'établir des relations de pouvoir à tous les niveaux de la vie sociale. Si ce n'était de la réalité des relations de pouvoir, il n' y aurait que des rapports de domination-soumission.

En somme, le pouvoir naît de la liberté, et la liberté en société n'est possible que grâce aux relations de pouvoir. Voilà une pensée libérale sur laquelle je me suis appuyé depuis que Michel Crozier me l'a enseignée. Elle m'aide à comprendre et à agir. Elle m'a guidé comme sociologue et comme homme politique.

En tant qu'étudiant venu en France d'un pays étranger, je veux aussi témoigner de la profonde sollicitude de Michel Crozier et de son humanité. Il attirait à Paris des étudiants de tous les continents et se reconnaissait une responsabilité particulière envers eux. Il tenait vraiment à nous voir réussir dans nos recherches et dans nos carrières ultérieures. Il a d'ailleurs gardé le contact avec plusieurs d'entre nous.

Enfin, Michel Crozier, c'était aussi une équipe formidable, constituée aussi autour d'Erhard Friedberg à qui j'envoie une pensée amicale en ces moments difficiles.