Témoignages
Quand Michel Berry parle de Michel Crozier, il n'hésite pas à dire Michel Crozier était un vrai directeur de laboratoire, capable de défendre une voie nouvelle, et pour autant, il n'était pas de ceux qui voulaient ne voir qu'une tête parmi ses troupes. Il était certes exigeant, mais aussi tolérant, ce qui se mesure à la qualité et la variété des talents qu'il a su réunir autour de lui.
C'est bien après son entrée au CNRS en 1963 que Raymond Boudon rencontre Michel Crozier pour la première fois. Il avait déjà pour lui une estime intellectuelle sans mélange, qui s’avérera très vite réciproque.
Le pouvoir naît de la liberté, et la liberté en société n'est possible que grâce aux relations de pouvoir. Voilà une pensée libérale sur laquelle je me suis appuyé depuis que Michel Crozier me l'a enseignée. Elle m'aide à comprendre et à agir. Elle m'a guidé comme sociologue et comme homme politique.
"J’étais absolument séduit par cette vision « politique » des organisations qui regardait celles-ci non comme des machines, mais comme des petites sociétés. J’y trouvais une perspective d’analyse des rapports humains, de l’action collective et de la société qui me fournissait à la fois une clef de compréhension d’une grande généralité et un possible instrument d’action... Je comprenais qu’en m’intéressant aux organisations, je ne renonçais pas à réfléchir à la société et à sa transformation mais je précisais une telle réflexion en la rendant plus opératoire, plus maniable et plus concrète...
"Quarante ans après mon doctorat, je garde un souvenir intense de ce cheminement qui fut autant une aventure scientifique qu'une étape d'évolution personnelle. Quarante ans après, restent toujours présents dans mon esprit des souvenirs forts, des moments structurants qui, par touches successives, ont orienté ma vie professionnelle. Je suis convaincu qu'éprouver, dans les années 60 et 70, les thèmes du pouvoir et de la négociation, tant dans sa vie scientifique que personnelle, constituait une expérience profondément fondatrice..."
Li You Mei raconte ici comment elle est venue en France, à la suite de la rencontre de Michel Crozier avec le sociologue FEI. Ce ne fut certainement pas une expérience facile car entre l'apprentissage de la langue, celui de la sociologie, et les ouvertures intellectuelles portées par la sociologie crozérienne, les années de vie de Li You Mei ont été très riches, mais aussi très pleines.
Roland Lussey, sociologue et consultant, revient ici sur la génèse de la sociologie de Michel Crozier, car pour lui Michel Crozier va élaborer en quelques mois seulement une des œuvres probablement les plus importantes de son siècle dans le domaine de la sociologie. [...] Si l'on veut le comprendre, comprendre ses choix, ses options intellectuelles et sa conception du rôle du sociologue, il faut donc remonter à ces années charnières 1955-1960, où de son aveu même, tout se cristallisa. Roland Lussey fait ici preuve d'une sensibilité, et d'une emphatie formidable avec l'oeuvre de Michel Crozier. En s'approchant aussi près ce que fut sa pratique, Roland Lussey pose clairement la question de l'indispensable engagement du sociologue face à son terrain.
"After this first meeting, Michel and I began a conversation that lasted more than 25 years and took place in Cambridge, Washington, Paris, Los Angeles, and Stockholm... Over the years, when Michel visited Washington DC, he stayed at our house and we continued a conversation guided by our shared view that human behavior resulted from the complex interaction of individual subjective values and the social-cultural context. Both of us were also engagé; we were interested not only to study but also to change organizations and society."
In the early 60ies of the past century we were both organizational sociologists; Michel published Le Phénomène Bureaucratique, and I edited the volume Bürokratische Organisation. The Crozier/ Friedberg volume L’Acteur et le Système has always been a favourite text I often referred to.
"I have known Michel Crozier for approximately 50 years and count him not only as an esteemed colleague, which of course he is, but also as a dear friend. He is what my older grandchildren would call a "cool cat". My younger grandchildren would consider such an expression archaic; but in this instance at least, I think the older ones have it right."
"Voilà plus de quarante ans que j’enseigne la gestion à l’Ecole des mines de Paris, aux ingénieurs civils et aux fonctionnaires du Corps des mines... Le phénomène bureaucratique est une lecture obligatoire pour tous mes élèves des deux catégories, et je témoigne sans hésiter que cette étude déjà ancienne n’a pas pris une ride."
Jean-Claude Thoenig
De Michel Crozier j’ai retenu deux leçons majeures pour ce que je pensais être mon futur retour en Suisse : comment faire construire et faire tenir ensemble une équipe de recherche, mais aussi comment faire soi-même de la recherche. En particulier il me transmit ce que Howard Becker appellera plus tard les ficelles du métier.
Roland Lussey est né à Paris en 1947. Economiste de formation, il dirige plusieurs années l’entreprise familiale. Puis ce fut sa rencontre et sa collaboration avec Michel Crozier en 1975 à Sciences po d’abord, au Centre de Sociologie des Organisations ensuite où il se lia d’amitié avec Erhard Friedberg.

Il se spécialise rapidement dans le conseil auprès des entreprises et s’intéresse plus particulièrement aux problèmes d’industrie, de technologies et de R&D. Il utilise son expérience de sociologue pour détecter les capacités stratégiques des entreprises, les faire émerger et se développer.

Les dernières années de sa vie professionnelle, il les consacra à encadrer et à former les jeunes consultants à travers les nombreuses interventions qu’il menait au sein d’un grand cabinet de conseil international.

Aujourd’hui il partage sa vie entre ses activités de conseil auprès des dirigeants à Paris et sa maison dans le Gers.